Four métalliques

Et comment les lupins sont au centre de cette histoire.

Nous sommes dans le sud de l’Islande, le long de cette côte linéaire et courbe, aux vastes étendues. Tout le long les grandes masses de glace surplombent les sandar, immenses plats à perte de vue, entrecoupés de coulées de laves sans fins et de fleuves bouillonnants. la plage, si on peut appeler ce bord de côte comme ça, est noire, large et battue par les grandes vagues de l’océan. Personne n’habite au bord de ces bandes de galets noirs à partir de la petite ville de Vik. Il faut parcourir 250 km vers l’est pour retrouver un port, Höfn au début des fjords de ce coté là.

Une portion de ces étendue est Álftaver après le Mýrdalssandur. Directement menacé par le volcan Katla, de tout temps des formidables coulées de boue liées au glacier Mýrdalsjökull ont ravagé ces lieux. Le site de Álftaversgígar se compose de petits pitons avec parfois des cratères et a un aspect particulier peu commun du à ces pseudo-cratères. Ceux-ci sont le résultat des coulées de lave de l’immense faille éruptive Eldgjá, 78 km de long, au moyen-âge de 934-940.

Cet endroit a aussi un passé historique humain avec la présence d’un monastère, 1186 – 1550, ayant eu jusqu’à 13 moines. La rivière qui passe ici était beaucoup plus large au moyen âge et permettait la venue de bateaux de mer. La fin de ce monastère marque l’implantation de la Réforme luthérienne. des fouilles sont en cours dans une ancienne ferme prêt d’ici. Elle comme quelques autres rappellent les dévastations des différents jökulhlaup du Katla (Coulées de boue) qui ont englouti ces propriétés. La menace est toujours présente même si le volcan n’est pas en éruption actuellement. Il suffit d’un fort réchauffement sous la glace pour provoquer, comme récemment, des inondations importantes voir destructrices de routes et de ponts.

La ferme de Þykkvabæjarklautur se situe dans cet endroit avec quelques autres fermes. Kidda et Siggi, Kristbjörg Hilmarsdóttir og Sigurður Árman Sverrisson sont les propriétaires des 8000 ha qui vont de l’océan aux terres intérieures. Propriété qu’ils partagent avec deux autres fermes. Kidda qui est de la cinquième génération dans ces lieux, a développé l’amélioration des poils de ses brebis. Elles sont connues sous le nom de Feldfé.

La ferme est un élevage de 230 brebis qui ont environ 400 agneaux par an. Kidda et Siggi ont aussi une activité touristique avec une guest-house pouvant accueillir jusqu’à 25 personnes et même un peu plus.

Kidda a créé un atelier autour de la laine, sa laine, vend et présente divers ateliers sur ce thème qui lui est cher. S’il y a bien un endroit où les fameux pulls islandais sont authentiques c’est ici.

Carder, filer, tricoter la laine mais aussi la tisser, l’atelier pure laine d’Islande.

En 1945 soit un an après l’indépendance du pays, un vaste programme de re-végétalisation du pays se met en place. Un représentant de ce commité, Hákon Bjarnason, après un voyage en Alaska, trouve les lupins (Lupinus nootkatensis) de ce territoire adaptables dans les terres islandaises qui ont besoin d’être fixées et végétalisées. Cette plante résistante aux conditions climatiques extrêmes avec un joli port de ses ramures et de très belles fleurs bleues va parfaitement s’adapter aux terrains volatiles des dépôts de cendres volcaniques. Elle aime tellement ces sols qu’elle est devenue une plante invasive. Sa principale qualité est d’enrichir les sols en azote donc de favoriser la pousse des autres végétaux. C’est aussi sa limite car peut utilisable, même ces cosses sont toxiques. L’Islande est partagée en deux, celles et ceux qui aiment cette fleur et les autres qui la détestent. Kidda n’aime pas trop cette plante qui envahie ses herbages et empoisonne ses moutons.

D’où l’option carbonisation. Comment valoriser cette plante tout en réduisant son extension. En récoltant les tiges sèches en hiver ou en coupant quand elle est verte, les lupins se maintiennent sans augmenter leurs extensions. Les transformer en galettes de charbon végétal, les désormais kolakaka, répond à une demande qui devrait satisfaire une majorité. Un produit quasi 100 % islandais.

Les paysans islandais, les lupins un problème ? Non une ressource. !

Carboniser des plantes qui ne sont pas des arbres est un concept assez abscons et peut être encore plus en Islande où la population adore faire des barbecues sans se poser des questions sur les charbons de bois utilisés pour griller les côtelettes d’agneaux. Dans ce pays aux ressources en bois limitées, où les bois flottés ont été une opportunité limitée, la dernière charbonnière remonte aux années 1950 et ce pas très loin de notre ferme, à Skaftafell devenu parc national aujourd’hui. Aussi le souvenir de cette activité s’est perdu dans les mémoires et les barbecues au gaz ont remplacé ceux au charbon. Heureusement Kidda est une femme pionnière, qui fait penser à ces femmes du temps de la colonisation qui ont trouver la capacité de s’adapter au milieu boréal de cette nouvelle patrie. Tirer partie d’une ressource locale, peu engageante, démontre la formidable adaptabilité de ces personnes. La ferme de notre couple de fermiers est au milieu d’une vaste étendue quasi désertique, battue par les vents où rochers, cailloux, plantes rares, sables et scories sont les vestiges des immenses coulées de laves et des dépôts mortels des coulées de boue. Des femmes et des hommes se sont installés là et c’est par leur imagination et savoir faire qu’ils ont pu y vivre accueillant régulièrement des naufragés, rescapés miraculeux, dans ces côtes sournoises.

Le désert !

S’échouer c’est mourir (Rouquette 1922). Kidda montre un poteau indicateur pour les naufragés.

Créer une nouvelle ressource d’une plante quelque peu volubile, très belle en fleur et envahissante comme un amour toxique, est une réalisation gratifiante à plusieurs niveaux. Le partage des savoirs empiriques, techniques et locaux, le contact et le relationnel amicaux des échanges et enfin un résultat parfait, est une expérience rare de vie.

Partager de bons moments, un soleil timide nous accompagne.

Ce genre d’action nous le développons plus en direction des pays émergeant. Le savoir charbonnier au travers de l’ONG COOPDEA, permet de s’engager régulièrement dans des projets solidaires notamment en Afrique. Le fait de s’orienter vers un pays à haut niveau de revenus démontre l’utilité du savoir manuel quelque soit le milieu humain concerné. Le GIEC place cette ressource comme énergie verte, renouvelable et capteur de CO2.

Takk fyrir Kidda og Siggi !

Projet Ekokolakaka

Le volcan Sundhnúkagígar nous accompagne en créant un épais voile qui enveloppe toute la côte sud. Parfois le brouillard se déchire et laisse passer des rayons de lumière dans l’atmosphère bleue de la fumée volcanique. Fumée bleue comme celle des charbonnières, étrange !

La qualité de la cheminée de gros calibre limite notre propre production de fumée. Plutôt foncée au démarrage des gaz de carbonisation.

L’atelier presse. Des bouts de tuyaux, de vieilles bouteilles et quelques morceaux de fer : ultra simple !

Après toutes ces épreuves il était temps de faire nos Kolakaka. Voici la recette : prenez 8 parts d’une belle poudre noire de lupins carbonisés. Cette plante qui est passée dans notre four, s’écrase facilement et donne une poudre légère comme une aurore boréale…noire. Mélangez avec de la hveiti à 20 %, qui a été dilué auparavant à 10 % avec l’eau du Mýrdalsjökull, une eau qui peut avoir 1000 ans d’âge. Après c’est tout simple, un bout de tuyaux et paf trois coups avec le marteau de Thor (prononcez Ssor !).

Le marteau de Þor à l’arrière plan !!

Et voilà nos kakas (gateaux) carbonisés (Kola).

Pour Kidda et Siggi, c’est une grande découverte. Ils ont trouvé un bon moyen de valoriser ces lupins envahisseurs. L’atmosphère de mise en place de cet atelier a été des plus agréables. Chaleur de l’accueil, qualité des mains d’œuvre, résultats au delà de nos espérances et surtout bienveillance des personnes qui ont cru jusqu’au bout au projet et ceci dans un environnement exceptionnel entre océan et glaciers. Nous avons eu de nombreuses visites de la part de personnes intriguées et vite convaincues de la faisabilité et l’utilité du projet. D’autres ateliers vont certainement voir le jour ici et tout autour du pays.

Le nom du projet est : Ekokolakaka ou 4K. Et non pas Kaka-Kola comme certains l’ont suggéré !! Du charbon écologique, matière renouvelable, lutte contre plantes invasives et capture de CO2. Si on y rajoute bonne ambiance et produit circuit court, nous avons réussi une belle expérience concrète.

Merci à Kidda et Siggi d’avoir cru en nous, de nous avoir autant donner d’amitiés et de nous permettre de réaliser ce projet qui me tenait tant à cœur.

Le Père Noël habite peut être dans ces contrées, ses rennes sont dans l’est du pays. J’ai donc construit une cheminée à sa taille…avec de la tôle ondulée. Ici beaucoup de maisons sont recouvertes de ces tôles comme tous les bâtiments de cette ferme, de couleurs jaune et rouge. Une vieille tôle a fait l’affaire avec quand même pas mal d’énergie pour réussir à l’arrondir.

Amélioration du support de cheminée. Ce tube est long et lourd, faut l’ancrer sérieusement, surtout avec le vent constant dans cet endroit.

Du costaud !

Martine profite du bel atelier du travail de la laine de Kidda. La navette va et vient dans le métier à tisser pour de beaux ouvrages. De son avis : « je me régale ! ».

La construction du four est quasi terminée.

Pose du support de la cheminée. Malheureusement nous aurons le tube que samedi, bah !

Pose du tuyau gazogène, pour la récupération des gaz. Du costaud !

Ouverture du bidon de 60 L. La difficulté provient du fait que nous n’avons pas de bidon avec un couvercle clipsable comme souvent en dehors de la France. L’astuce est d’avoir découpé le fond et le dessus d’un plus petit bidon qui s’emboitent comme une boite de camembert.

C’est prêt à fonctionner, demain au beau soleil de la cote sud. Nous sommes entourés de glaciers, wouah !

Aujourd’hui la sixième éruption de Reykjanes vient de démarrer !!

Aujourd’hui c’est la storm, la tempête quoi ! Vents de plus de 100 km et grosses pluies.

Heureusement nous sommes à l’abri dans le grand garage de Siggi, sauf quand il faut sortir pour travailler.

Nettoyer au kacher sous la pluie !

Siggi à un super matériel, entre autre pour souder. Les tôles fines ne posent pas de problème. Nous improvisons en fonction des objets, là des supports sont rajoutés pour tenir l’isolant, le bidon est à l’envers sur la photo.

Voilà le premier four de confinement est quasi prêt. Demain nous verrons pour la cheminée.

Nous voilà arrivés par un grand soleil chez Kidda et Siggi, la ferme où nous allons carboniser les lupins.

La ferme qui a un nom imprononçable, Þikkvibæjarklautur, se situe sur la cote sud du pays dans un sandur, le Mýrdalssandur et plus précisément en bordure du site des pseudo-cratères de Álftavergigar. Les sandur sont de vastes étendues de remplissage par les crues de la fonte des glaciers ou par les très grandes et longues coulées de lave. Le Mýrdalsjökull, le deuxième plus grand volume de glace après le Vatnajökull chapeaute le volcan Katla qui est très redouté par ses activités génératrice de nuées ardentes. De temps en temps, comme il y a quelques semaines, des grandes coulées de boue se répandent soudainement dans ces plaines. Les 35 km qui séparent la ferme du piedmont du glacier laissent 2 h aux habitants pour s’échapper avant l’arrivée de l’eau…

Les fûts en fer de 200 L sont prêt.

Siggi est aussi garagiste, son atelier nous garantie des ressources en matériels et bricolages.

Pour l’instant un petit bric à brac attend sagement d’être utilisé. Demain doit arriver un fût de 60 L qui servira pour le four intérieur, mais ceci est un autre histoire. À suivre…

Quel bonheur de se promener dans un bel endroit et de tomber sur des fours de carbonisation. La balade a commencé par une montée assez raide vers les falaises surplombant le petit village d’Eyzahut. Ce micro village domine la plaine de la vallée du Rhône vers Montélimar. Un passage par une superbe arche, le trou du furet, permet l’accès sur les hauteurs. De l’autre coté nous dominons le village médiéval de Poët-Celard. Toute la splendeur de cette Drôme à lavande se dévoile de ce point de vue.

La descente nous a donc réservé la bonne surprise d’un emplacement de fours en fer. Deux fours de type magnien, certainement des vestiges de chantier de la dernière guerre mondiale. Rien de bien nouveau dans cette rencontre si ce n’est un grand plaisir de se trouver dans un lieu où des collègues ont œuvré.

Ces découvertes ont le charme de donner une ambiance dans laquelle je me sens intégré et joyeux d’y être (voir https://www.altimara.eu/blog/2015/12/30/les-petits-fours/).

Jean a récupéré un four métallique qui vient du jardin ethnobotanique de Rousson dans le Gard. Cette structure ressemble à celle des fours utilisés pendant la seconde guerre mondiale. Il faut quatre cheminées de part et d’autre. Le remplissage est par viroles (caissons) successives, trois dans ce cas. Ensuite on pose le couvercle et par le trou central, c’est comme pour la meule, on allume le bois à l’intérieur.

Le remplissage demande un peu de savoir pour bien disposer les bois sans laisser trop de trous. Martine est devenue une experte en la matière.

Au final il faut luter les joints de séparation des viroles, avec de l’argile ou de la terre.

Avec ce modèle il y a une série d’ouvertures dont a pas bien saisi l’utilité ??

Les cheminées sortent par le bas et permettent une sortie inversée de la fumée ce qui procure une meilleure carbonisation.

Résultat satisfaisant en un peu plus de 24 h de cuisson.

Reste à tester le charbon de bois !

L’équipe de choc au travail.

Depuis plusieurs jours j’ai le plaisir d’accueillir deux stagiaires. Pierre et Thibault, en fin d’études d’ingénieurs à l’école EPF, ont choisi l’ONG COOPDEA pour réaliser leurs stages en entreprise.

Ils vont partir au Togo pour mettre en place des unités de carbonisation de charbon végétal. L’opération se déroulera avec une association locale.

Formation aux différents types de fours dans un premier temps. Du plus basique au plus gros.

Fabrication de galettes d’écochar, avec broyage des végétaux carbonisés.

Puis à la presse pour obtenir les galettes ou briquettes que nous appelons écochar.

Programme de développement des matériels solidaires avec l’ONG COOPDEA.

Nouvelle version 2022 de nos fours à carboniser. Nous utilisons la technique des fours rocket. Ces système permettent d’obtenir de hautes températures en utilisant un minimum de combustible. Je pense que c’est la première fois d’un four à carboniser est monté avec ce type de production de chaleur.

Non on est pas sponsorisé…mais on est pas contre !!

La température interne du fut dans lequel il y avait les végétaux à carboniser est montée très rapidement au-delà des 400° jusqu’à 550°. Nous avons consommé de deux cagettes comme combustible.

Le four sans l’isolant extérieur.

Carbonisation parfaite avec récupération des gaz qui ont pris le relais pour conduire la cuisson.

Le bruleur interne fonctionne parfaitement.
L’ensemble opérationnel.
Carbonisation parfaite.

Cette technique donne satisfaction, nous allons la développer. Il est possible d’utiliser des feuilles mortes ou des herbes sèches pour le feu. Nous avons des projets qui vont bientôt se concrétiser, à suivre…

Les musées et les bars ouvrent, ça déconfine, moi je carbonise !! Le site de carbonisation d’écochar au Jardin de Fontanès a bien évolué. La construction d’un grand séchoir des végétaux permet maintenant de stocker les déchets verts avant leur carbonisation.

Cette semaine et jusqu’au 15 juin, je réalise en parallèle des cuissons dans le grand four et dans le four de démonstration.

Il est pas beau avec sa nouvelle cheminée !!

Et parfois cela donne de très belles compositions :

Le Monde d’Après. C’est parti pour la vente de galettes d’écochar, enfin des barbecues écologiques au charbon végétal et made d’ici (circuit ultra court).

Ya de quoi cuire des merguez..ou des légumes. Ç’est ok pour les végans !

l’équipe de St Guillaume a allumé le feu dans la marmite remplie de 4 stères de bois.

les bûches une fois déposées dans la « marmite », il est mis un cordon de terre dans les rainures des jonctions des viroles pour l’étanchéité.

Colmatage
Allumage par le haut comme en meule

La cuisson dure une quinzaine d’heures puis tous les évents et les 4 cheminées sont fermés.

Le tirage a belle allure

la marmite va refroidir doucement et c’est après quelques jours que l’ouverture du four est réalisé quand tout est bien refroidit.

la récolte du charbon est de l’ordre de 250 kg. Le stère de hêtre sec est de l’ordre de 700 kg soit au départ 2800 kg de bois.

Les animateurs ont démontré leur savoir faire avec cette technique de cuisson au four métallique. Une jolie expérience que j’aimerai tant expérimenter en garrigue. Faut juste trouver un four en état de fonctionner ce qui est rare. Par contre maintenant je sais à qui m’adresser pour avoir des conseils.

J’avais eu l’occasion de voir le site des fours métalliques dans le forêt des Baumaises de la commune de St Guillaume (https://www.altimara.eu/blog/?p=2926). Ce village est au pied du Vercors, à coté du Mont Aiguille.

Ces fours ont été utilisé comme partout en France pendant la Seconde Guerre Mondiale. Ce sont des jeunes enrôlés dans des chantiers de jeunesse qui ont fait fonctionné ces marmites de 1940 à 1943.

Je suis rentré en relation avec l’un des organisateurs, M. David Piccarreta. David m’a envoyé un livret qui décrit leurs activités avec une cuisson en 2010. L’utilisation d’un four Magnien d’origine est assez unique. C’est la chance des cette équipe dynamique.

extrait du livret

Ils ont refait une cuisson, ce samedi 31 août, à laquelle je n’ai pu assister faute de disponibilité. Voici des photos très démonstratives de la mise en place. Dès que j’aurai celle de la cuisson, je les mettrai aussi en ligne.

Bravo à cette équipe, en espérant les rencontrer une prochaine fois.