Dans le magnifique roman de Jean Giono « Le Grand Troupeau », paru en 1931, dans lequel, pacifiste convaincu, l’auteur rappelle les horreurs de la guerre, les charbonniers sont présents.
Cet immense troupeau, qui descend des herbages de montagnes, dans des conditions terribles où les bêtes meurent est comparable à la masse des jeunes soldats envoyés au front comme chair à canon.
L’actualité nous plonge ou replonge dans ces funestes dessins des générations pleines de vie, qui aujourd’hui sont fauchées pour d’inutiles conquêtes de tyrans égocentriques.
Dans le chapitre « Julia se couche », l’auteur décrit la solitude des femmes restées à la maison dans l’angoisse de leurs maris, amis, amants, parents.
Le tout début du chapitre nous enivre des paysages montagneux de la Provence :
« Ça sera du beau temps clair cette nuit, dit Julia, l’air a beaucoup de volonté et on voit Sainte-Victoire. »
Le vent d’Alpe venait de prendre le dessus d’un crépuscule embarrassé de nuées, et maintenant, les bords du ciel étaient minces et comme l’aiguisé d’une faux. Du coté du soleil couché, le dos de Lure, avec ses fumées de charbonnières, montait, dans une verdure céleste, belle comme une eau de pré….
Plus loin c’est Verdun qui sert de décors, tragique et qui me touche personnellement à double titre. Mon grand père y était, gazé il aurait pu disparaitre et moi ne pas naitre. Et deuxièmement Giono décrit de sa belle plume, la comparaison entre la bataille et quelque chose d’assez rare, l’enflammement d’une meule charbonnière. Cela peut arriver, qu’une charbonnière prenne feu, suite à un mauvais contrôle de la cuisson. La couverture terreuse qui recouvre le bois en fusion doit être régulièrement tassée pour éviter une ouverture à l’air libre. Car l’apport de l’air et de son oxygène enflamment spontanément la meule de bois et rien ne peut l’arrêter. C’est la perte totale pour le charbonnier. Giono a certainement vu se désastre, tant autant dans sa présence au front que dans les bois de sa Provence en compagnie des charbonniers.
» Ça faisait du bruit du coté de Verdun! C’était noir comme du café avec des tressauts de feu comme une charbonnière qui s’enflamme… » In chap. Le Premier Cercle.
Puis vers la fin du roman, Giono dans la description d’une bataille, revient sur cette image qu’il a du voir de nombreuses fois, celle d’une charbonnière en activité. « le jour est venu tout d’un coup. le mont Kermmel fume de tous les cotés comme une charbonnière ». 5924 soldats français sont morts dans cette bataille, dernière tentative allemande de briser les lignes alliées en 1918.
Dans les témoignages que j’ai pu avoir des « anciens », l’horizon ponctué de fumées, indiquait les charbonnières en activité. Aujourd’hui quand on voit une fumée, souvent les canadairs arrivent.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Grand_Troupeau
Maudite soit la guerre.